Julie Sarloutte est peintre ; mais, dans son travail, nulle huile ou acrylique ne vient s’étendre sur la toile. Les tesselles de marbre irrégulières et les écheveaux de coton utilisés pour la technique de broderie dite « au fil tiré » ont remplacé les vapeurs de térébenthine et les couleurs qui tachent.
Julie Sarloutte flâne sur Internet, regarde la télévision : de l’abondance visuelle émanant des écrans, elle extrait des fragments, des images arrêtées, qu’elle sélectionne pour leur étrangeté ou leur ambiguïté. Regardons-nous ici une image issue d’un reportage télévisé portant sur une manifestation violemment réprimée ou d’une scène d’une série populaire ? L’artiste, loin de prétendre faire de ces citations réelles ou fictionnelles un projet politique et engagé, revendique à l’inverse la position de témoin. Celui qui se situe derrière l’écran, conjointement inquiet et fasciné par le flux d’images qui papillonnent.
Julie Sarloutte choisit de transformer ces arrêts sur images fragmentant une narration en des images iconiques, et la fraction de seconde choisie se transforme sous ses doigts en de lentes et méticuleuses broderies et mosaïques. Les images télévisuelles regagnent en densité à travers les bords coupants des tesselles ou l’accumulation des fils de coton, qui rendent les chairs légèrement sales ou rougeaudes. Qui voudrait voir dans cette dernière technique un retour nostalgique à une pratique de grand-mère se tromperait lourdement. Julie Sarloutte pique et transperce sa toile, ses doigts (parfois) et les visages des personnages qu’elle représente, sans grande complaisance vis-à- vis de ses modèles.
Témoin, à coup sûr, mais sans inertie.
Camille Paulhan
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